Périple émulsifié
A dos d’éléphant, il fait bon se balader en rêvassant à la fraîcheur des chutes de lait des marécages adjacents. Avec déjà un doigt dans l’engrenage et une phalange dans les rouages, je persiste à donner du pain sec aux orties normalement réservées aux abonnés absents. La rue, vêtue de son plus beau bitume, me fait la roue à la manière du paon lorsque je passe devant la porcelaine chinoise entassée à côté du petit magasin où logeaient les violoncellistes amateurs d’abricotine.
L’heure n’était plus à la bricole à présent, j’avais déjà remballé mes cassettes vierges et aiguisé mon compas; mon caillou bavait de froid. Sur les pistils chocolatés qui poussaient en dehors des rempart de thé vert, se tenait un lémurien, les poches de sa salopette pleines d’étamines. Il avait l’air si perspicace que je me suis anonymement fais attendrir, avant de reprendre mes boules en main et parvenir à contrôler mes enjambements. Biologiquement pur, je poursuis mon aventure au sein de l’enceinte des agneaux à la fertilité exagérée, mais je me sens soudain suivi par une masse corporelle inconnue et odorante, comme un citron rance ou une vésicule biliaire. Entortillé de soupçons, j’essaie de prétendre n’avoir remarqué cette présence ininterrompue proche de ma colonne vertébrale. Je croise mes genoux sans fléchir, et me remet en route, toujours dédoublé par cette ombre injustifiée. Alors que les fenêtres émaillées défilent à perte de vue le long du périphérique, mon nouveau compagnon de route se mit soudainement à clapoter. Quel clapotis magistral ! J’en étais émulsifié. Aussi plastifiant que les diamants sont éternels, je ne pourrait décrire le spectacle qui s’offrait à mes yeux innocents. C’était tout simplement hors d’atteinte.
Après ces enchaînements d’énervements animés, alors que le soleil jouait avec la plume du gardien de la taverne, il était l’heure de joindre les deux bouts avec autant de virilité que possible, sans pour autant paraître incontournable. Les choeurs de trompettes pistonnaient fiévreusement, donnant à l’atmosphère, une timide complexité tout à fait à la hauteur avec la beauté du lieu. Entre les cascades et les crevasses sans fond, j’établis campement pour la nuit.
Le lendemain, sur les boulevards de la gloire, je suivis les fléchettes propulsées par la sarbacane d’un natif de la région, ce qui me mena en direction du hammam du nord, à l’opposé de l’origine du règne animal. Mondialement connue pour ses papeteries, les falaises du mont dominant les pâturages délimitant perpendiculairement les récoltes, s’offraient à moi, comme une carte à pointer dans un vieux bistrot de bord de mer un jour pluvieux. Il n’était ni question de pistolet ou de machette ici, l’un au service l’autre, une faveur comme monnaie d’échange, il était facile de se faire aimer en n’étant pourtant que de passage. Comment en finir avec ces transhumances dont je suis le seul participant ? Je respire souvent pour ma propre satisfaction, mais cette fois, je dédie ma dernière goutte de sueur au monde qui m’entoure et qui me donne l’inspiration qui ravive à chaque ensoleillements, mes glandes lacrymogènes et ma pompe à adrénaline. Qu’il en soit ainsi, jusqu’à que le mercure se fatigue.